Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/58

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De chercher dans un autre un but autre que lui,
Et de ne vivre entier qu’en vivant en autrui !
Il n’a pas comme l’homme au milieu de ses peines
La compensation des détresses humaines,
La sainte faculté de créer en aimant
Un être de lui-même image et complément,
Un être où de deux cœurs que l’amour fond ensemble
L’être se multiplie en un qui leur ressemble !
Oh ! de l’homme divin mystérieuse loi,
De ne trouver jamais son tout que hors de soi,
De ne pouvoir aimer qu’en consumant un autre !
Que ce destin sublime est préférable au nôtre,
À cet amour qui n’a dans nous qu’un seul foyer,
Et qui brûle à jamais sans s’y multiplier !
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Jéhovah, ce soupir est-il donc un blasphème ?
Et moi si malheureux, si seul, est-ce que j’aime ?
Et comment, ô mon Dieu, ne l’aimerais-je pas ?
N’ai-je pas eu toujours les yeux fixés en bas ?
Ne m’as-tu pas donné pour unique spectacle
Ce miracle au-dessus de tout autre miracle ?
Cette âme virginale à voir épanouir,
Ses pas à surveiller, son cœur à réjouir ?
Ses instincts indécis, ses premières pensées
Dans son âme ingénue à peine nuancées,
À tourner de mon souffle en inclinant son cœur
Comme avec son haleine on incline une fleur ?
Ne vois-je pas son âme à travers son visage,
Comme je vois la lune à travers ce feuillage ?