Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/6

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l’œuvre des siècles, c’est l’œuvre de tous. L’égoïsme seul peut se mettre à l’écart et dire : « Que m’importe ? »

Je ne comprends pas l’existence ainsi. L’époque où nous vivons fait nos devoirs comme nos destinées. Dans un âge de rénovation et de labeur, il faut travailler à la pyramide commune, fût-ce une Babel ! Mais ce ne sera point une Babel ! ce sera une marche de plus d’un glorieux autel, où l’idée de Dieu sera plus exaltée et mieux adorée. Car, ne nous y trompons pas, c’est toujours Dieu que l’homme cherche, même à son insu, dans ces grands efforts de son activité instinctive. Toute civilisation se résout en adoration, comme toute vie en intelligence.

Or, dans ces jours de crise sociale, tout homme qui vit pleinement a deux tributs à payer : un à son temps, un à la postérité ; au temps les efforts obscurs du citoyen, à l’avenir les idées du philosophe ou les chants du poëte. On prétend que ces deux emplois de la pensée sont incompatibles. Les anciens, nos maîtres et nos modèles, ne pensaient pas ainsi. Ils ne divisaient pas l’homme, ils le complétaient. Chez eux, l’homme était d’autant plus apte à un exercice spécial de la pensée, qu’il était plus exercé à tous. Philosophes, politiques, poëtes, citoyens, tous vivaient du même aliment ; et de cette nourriture plus substantielle et plus forte se formaient ces grands génies et ces grands caractères ; qui touchaient d’une main à l’idée, de l’autre à l’action, et qui ne se dégradaient point en s’inclinant vers d’humbles devoirs.

On attribue au défaut de loisir les incorrections de composition et de style qu’on reproche généralement à mes ébauches poétiques. Ces défauts, je les connais mieux que