Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Au moment redoutable où changeait sa nature,
Semblable au cri rongeur du remords qui murmure,
Il avait dans son âme entendu retentir
Ce cri : « L’arrêt divin n’a point de repentir.
Tombe, tombe à jamais, créature éclipsée !
Périsse ta splendeur jusque dans ta pensée !
Savoure jusqu’au sang le bonheur des humains ;
Tu déchires ta gloire avec tes propres mains ;
Ta vie au fond du cœur n’aura pas l’espérance ;
Tu n’auras pas comme eux la mort pour délivrance ;
Au lieu d’une ici-bas tu subiras cent morts ;
Dieu te rendra ta vie et la terre ton corps,
Tant que tu n’auras pas racheté goutte à goutte
Ta première splendeur, qu’une femme te coûte ! »
Mais l’arrêt formidable en tombant entendu,
Avec le souvenir de son destin perdu,
Tout était déjà vague et loin dans sa mémoire.
Il ne lui restait rien de sa première gloire,
Rien du ciel, rien de lui, qu’un morne étonnement,
Je ne sais quel instinct et quel pressentiment
Du présent, du passé, de hautes destinées,
Semblable dans son âme aux images innées,
Où l’homme, rencontrant un objet imprévu,
Reconnaît d’un coup d’œil ce qu’il n’a jamais vu.

Or, en transfigurant son invisible image,
L’ange avait pris d’instinct la forme et le visage
De cet être idéal dont l’apparition
Hantait de Daïdha l’imagination,