Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/9

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rain il n’y a d’appel qu’à un autre public : la postérité. Or qui peut se flatter d’arriver jusqu’à la postérité ? Elle ne juge que les immortels.

Je ne chercherai donc pas à justifier ici la conception, le plan, la forme de cet épisode. Nul n’est plus disposé que moi à reconnaître ses faiblesses ou ses erreurs. Seulement je donnerai une explication qui pourra être une excuse et qui fera suspendre leur jugement définitif à quelques hommes de bonne foi.

On a considéré cet épisode comme un poëme complet, et, partant de cette idée, on a dit : « Mais qu’est-ce que cela signifie ? où est le sujet ? où est la pensée morale ? où est le but ? » J’en aurais dit autant moi-même, si j’avais lu la Chute d’un Ange dans cet esprit. Mais le lecteur, qui lit peu les avertissements, n’avait pas lu sans doute celui qui précède mes vers. Il y aurait vu que la Chute d’un Ange, bien loin d’être dans ma pensée une œuvre complète, n’était qu’une introduction en drame à un poëme dont le plan général ne s’expliquera que par le développement et la combinaison de ses parties. Ce plan, je l’ai indiqué autant que je pouvais le faire dans la préface de Jocelyn. Ce sujet, ai-je dit, c’est l’âme humaine, ce sont les phases que l’esprit humain parcourt pour accomplir ses destinées perfectibles et arriver à ses fins par les voies de la Providence et par ses épreuves sur la terre. J’avais donc à peindre dans cet épisode, qui ouvre presque le poëme, l’état de dégradation et d’avilissement où l’humanité était tombée après cet état primitif, presque parfait, que toutes les traditions sacrées lui attribuent à son origine. Les angoisses d’un esprit céleste, incarné par sa faute au milieu de cette société brutale et perverse où l’idée de Dieu s’était