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éclipsée, et où le sensualisme le plus abject s’était substitué à toute spiritualisation et à toute adoration, voilà mon sujet dans ce fragment d’une épopée métaphysique. C’est le monde de l’athéisme. On m’a reproché de l’avoir peint avec des couleurs trop repoussantes et trop crues. On en a conclu que je pourrais bien être moi-même panthéiste ; athée, matérialiste. Lorsque la Divine Comédie du poète toscan parut, peut-être reprocha-t-on au Dante d’être un esprit satanique, parce qu’il s’était complu à décrire les tortures et à remuer les immondices de son Enfer. Mais, après l’Enfer, le Dante publia le Purgatoire et le Ciel, et ces trois mondes merveilleux, s’expliquant et s’éclairant l’un l’autre, produisirent ce tout harmonieux et sublime où les horreurs des cercles infernaux, les purifications du séjour d’épreuves et les délices permanentes du ciel achevèrent sa pensée et justifièrent les prétendues aberrations de son génie. On sent assez que je ne prétends comparer ici que les choses et non les hommes. Dante a inscrit son nom en caractères de feu sur l’imagination des siècles ; la pierre de nos sépulcres saura seule les nôtres. Mais l’injustice est la même. Ainsi tombent ces accusations d’immoralité, de fatalisme, de provocation au suicide, que certains critiques ont cru devoir m’adresser. Ils ne voient que la première scène d’un drame dont le dénoûment seul peut faire apparaître la moralité. Le désespoir et la mort de Cédar, bien loin d’être offerts en exemple aux misères humaines, sont des fautes morales qui, dans le plan général du poème, auront ailleurs leurs conséquences et leur rétribution.

Ceci m’amène à m’expliquer une seconde fois sur ce prétendu panthéisme dont on me suspecte depuis la publication du Voyage en Orient et de Jocelyn. Des critiques religieux