Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et les maîtres encor n’avaient pas inventé
Le fer, cet ennemi de toute liberté !
Des liens de feuillage enchaînaient les esclaves ;
Comme aux fronts des taureaux ces rustiques entraves
N’étaient qu’une liane où pour passer le cou
Le maître en la tressant laissait un large trou.
Lorsque dans ce carcan la tête était entrée,
Par un nœud éternel la liane serrée
Enfermait aussi fort qu’un carcan de métal
L’homme déshonoré dans le collier fatal.
Pour empêcher les mains d’élargir l’ouverture,
Un autre nœud liait le coude à la ceinture ;
De sorte que l’esclave, avec les avant-bras,
N’avait de tout le corps de libre que ses pas,
Qu’on pouvait l’avilir au plus indigne usage
Sans craindre contre soi sa force ni sa rage,
Et que pour se nourrir ou se désaltérer
Il lui fallait, ô honte ! à terre se vautrer,
Et prendre avec les dents les viles nourritures
Que l’homme repu jette aux viles créatures !

Quand Jedyr et Znaïm, tout prêts à le lier,
Posèrent sur son cou leur main pour le plier,
À l’aspect d’un esclave, hélas ! son triste emblème,
Il comprit d’un regard leur dessein sur lui-même ;
Et secouant des bras les chefs, qu’il renversa,
Sous son genou courbé tous deux les terrassa.
La foule, s’écartant autour du jeune athlète,
Élargit de terreur son enceinte muette ;