Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/99

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Et le sable, lavé par le fleuve limpide,
Jusqu’à ses bleus contours glissait de ride en ride.
La tribu salua du regard et des cris
De ces antres secrets les antiques abris
Creusés dans ces rochers par les mains de leurs pères,
Tout pleins de souvenirs, de récits, de mystères,
Où les fils de Phayr avaient reçu le jour,
Où les mères avaient porté leurs fruits d’amour,
Où les vierges avaient changé leurs noms de femmes,
Où l’image des morts errait avec leurs âmes.
Chaque père guidait sa tribu vers le sien.
Le chameau, l’éléphant, l’âne même, et le chien,
Au site accoutumé semblaient se reconnaître,
S’arrêtaient à l’entrée et devançaient leur maître.

Après avoir à terre étendu les fardeaux,
La tribu dispersée accourut aux tombeaux.
C’était un monticule, ou quelque énorme pierre,
Ou quelque tronc couché d’arbre couvert de lierre,
Qui marquaient sur la terre à la postérité
Le lieu des souvenirs par une âme habité.
Chacun en revenant des lointaines contrées
Accourait embrasser ces mémoires sacrées,
Et, semblable à quelqu’un qui parle du dehors,
Collait sa bouche au sol et parlait à ses morts.

Une femme disait à l’âme de son père :
« O père ! l’eau des yeux coule-t-elle sous terre ?