Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qui s’est fait depuis que tu n’es remonté,
Ceux qui sont descendus te l’ont-ils raconté ?
Léa, ton doux regard et ta petite-fille,
Les chasseurs l’ont ravie enfant à sa famille.
Longtemps au fond des bois on l’entendit crier ;
Ses cheveux n’ont servi, père, qu’à la lier ?
Les flèches des géants ont sifflé sur nos têtes ;
Nous avons habité sur le mont des tempêtes ;
Selma dans ces combats a perdu son époux.
Un homme de mystère est venu parmi nous,
Les chasseurs sous sa main se renversent et meurent ;
Les filles de Phayr le regardent et pleurent :
De leurs dons les plus chers nos dieux nous ont bénis,
Nous revenons des bois les mains pleines de nids.
Et moi j’ai mis au monde un fils et sa jumelle :
Leurs blanches dents déjà me mordent la mamelle.
Dans les yeux de l’enfant aussi noirs que la nuit,
Mon souvenir croit voir ton amour qui me suit !
Regarde, il est couché près de moi sur la feuille,
Arrachant de ses doigts ton herbe qu’il effeuille ;
Il essuie étonné ma joue avec sa main ;
Nomme-le par son nom, pour qu’il vienne demain. »

Non loin de là, pressant un tertre funéraire
À l’ombre de sa fille ainsi parlait la mère :
« Adda, fleur de mon sein, larme du cœur, c’est moi.
Les hommes de dessous furent jaloux de toi ;
Ils te firent tomber dans l’envieuse couche
Avant que mon doux lait fût tari sur ta bouche.