Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/115

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On dit que, sur ces bords où règne ta mémoire,
Une lyre à la main, tu mendiais ta gloire !…
Ta gloire ! Ah ! qu’ai-je dit ? Ce céleste flambeau
Ne fut aussi pour toi que l’astre du tombeau !
Tes rivaux, triomphant des malheurs de ta vie,
Plaçant entre elle et toi les ombres de l’envie,
Disputèrent encore à ton dernier regard
L’éclat de ce soleil qui se lève si tard.
La pierre du cercueil ne sut pas t’en défendre ;
Et, de ces vils serpents qui rongèrent ta cendre,
Sont nés, pour dévorer les restes d’un grand nom,
Pour souiller la vertu d’un éternel poison,
Ces insectes impurs, ces ténébreux reptiles,
Héritiers de la honte et du nom des Zoïles,
Qui, pareils à ces vers par la tombe nourris,
S’acharnent sur la gloire et vivent de mépris !
C’est la loi du destin, c’est le sort de tout âge :
Tant qu’il brille ici-bas, tout astre a son nuage.
Le bruit d’un nom fameux, de trop près entendu,
Ressemble aux sons heurtés de l’airain suspendu,
Qui, répandant sa voix dans les airs qu’il éveille,
Ébranle tout le temple et tourmente l’oreille ;
Mais qui, vibrant de loin, et d’échos en échos
Roulant ses sons éteints dans les bois, sur les flots,
Comme un céleste accent, dans la vague soupire,
Dans l’oreille attentive avec mollesse expire,
Attendrit la pensée, élève l’âme aux cieux,
De ses accords sacrés charme l’homme pieux,
Et, tandis que le son lentement s’évapore,
Au bruit qu’il n’entend plus le fait rêver encore.