Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


XXII


Homère ! À ce grand nom, du Pinde à l’Hellespont,
Les airs, les cieux, les flots, la terre, tout répond.
Monument d’un autre âge et d’une autre nature,
Homme, l’homme n’a plus le mot qui te mesure !
Son incrédule orgueil s’est lassé d’admirer,
Et, dans son impuissance à te rien comparer,
Il te confond de loin avec ces fables même,
Nuages du passé qui couvrent ton poëme.
Cependant tu fus homme, on le sent à tes pleurs !
Un dieu n’eût pas si bien fait gémir nos douleurs !
Il faut que l’immortel qui touche ainsi notre âme
Ait sucé la pitié dans le lait d’une femme.
Mais dans ces premiers jours, où d’un limon moins vieux
La nature enfantait des monstres ou des dieux,
Le ciel t’avait créé, dans sa magnificence,
Comme un autre Océan, profond, sans rive, immense ;
Sympathique miroir qui, dans son sein flottant,
Sans altérer l’azur de son flot inconstant,
Réfléchit tour à tour les grâces de ses rives,
Les bergers poursuivant les nymphes fugitives,
L’astre qui dort au ciel, le mât brisé qui fuit,
Le vol de la tempête aux ailes de la nuit,
Ou les traits serpentant de la foudre qui gronde,
Rasant sa verte écume et s’éteignant dans l’onde !

Cependant l’univers, de tes traces rempli,
T’accueillit, comme un dieu…, par l’insulte et l’oubli !