Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/136

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Science, ambition, gloire, amour, vertu, crime,
Ils n’en ont eu qu’un seul… mais il était sublime !
Quoi ! ce songe immortel, en est-il un ? Ce Dieu
Qu’ils priaient à toute heure et voyaient en tout lieu,
Et dont jusqu’au tombeau leur âme possédée
Fit son seul aliment, n’est-ce rien qu’une idée ?
Une idée éternelle… un espoir, un appui
Que l’homme apporte au monde et remporte avec lui ;
Qui suffit à l’emploi de cette âme infinie ;
Qui, voilée un instant, jamais évanouie,
Plane de siècle en siècle, et règne ici, partout…
N’est-ce rien ? Oserai-je… ? Ah ! peut-être est-ce tout !…
Peut-être que, seul but de tout ce qui respire,
Tout ce qui n’est pas lui n’est rien, n’est qu’un délire !
De hochets ici-bas nous changeons tour à tour :
L’amour n’a qu’une fleur, le plaisir n’a qu’un jour ;
La coupe du savoir sous nos lèvres s’épuise ;
L’ambitieux conquiert un sceptre, et puis le brise ;
La gloire est un flambeau sur un cercueil jeté,
Et qui brûle toujours la main qui l’a porté.
Mais celui qui, brûlant pour la beauté suprême,
De ses désirs sacrés se consume lui-même,
Ne sent jamais tarir ses songes dans son sein ;
Ce qu’il rêvait hier, il le rêve demain ;
Et l’espoir qu’il emporte au moment qu’il succombe,
Comme le fer du brave, est scellé dans sa tombe !…

» Vains mortels ! qui de nous ou de lui s’est lassé ?
Lequel fut, répondez, le sage ou l’insensé ?
Hélas ! la mort le sait, le tombeau peut le dire,
Mais, erreur pour erreur, délire pour délire,
Le plus long à mes yeux, et le plus regretté,
C’est ce rêve doré de l’immortalité !