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XXXIX


» J’ai toujours dans mon sein roulé cette pensée ;
J’ai toujours cherché Dieu ! mais mon âme lassée
N’a jamais pu donner de forme à ses désirs,
Et ne l’a proclamé que par ses seuls soupirs.
Dans les dieux d’ici-bas ne voyant qu’un emblème,
J’ai voulu, vain orgueil ! m’en créer un moi-même.
Ah ! j’aurais dû peut-être, humblement prosterné,
Le recevoir d’en haut, tel qu’il nous fut donné,
Et, courbant sous sa foi ma raison qui l’ignore,
L’adorer dans la langue où l’univers l’adore !…

» Toi dont le nom sublime a changé tant de fois,
Dieu, Jéhovah, Sauveur, Destin, qui que tu sois !
Toi qu’on ne vit jamais qu’à travers un mystère,
Énigme dont le mot ferait trembler la terre,
Écoute ! S’il est vrai qu’interrompant ses lois
La nature jadis entendit notre voix ;
Que, cédant au pouvoir d’un nom que tout redoute,
Les astres enchantés suspendirent leur route,
Et qu’au charme vainqueur de mots mystérieux,
La lune en chancelant se détacha des cieux !
Dût ce ciel m’écraser, dût, à ce mot suprême,
La terre en s’entr’ouvrant m’anéantir moi-même ;
Par le seul charme vrai, puissant, universel,
Un désir dévorant dans le sein d’un mortel,
Je t’évoque ! Réponds, fût-ce aux coups de la foudre,
Et qu’un mot vienne enfin me confondre ou m’absoudre !