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DE SOCRATE.

De songes effrayants assiégeant nos esprits,
Au fond des bois sacrés poussent d’horribles cris ;
Ou, tristement assis sur le bord d’une tombe,
Et dans leurs doigts sanglants cachant leur front qui tombe,
Jaloux de leur victime, ils pleurent leurs forfaits :
Mais les âmes des bons ne reviennent jamais ! »





Il se tut, et Cébès rompit seul le silence :
« Me préservent les dieux d’offenser l’Espérance,
Cette divinité qui, semblable à l’Amour,
Un bandeau sur les yeux, nous conduit au vrai jour !
Mais puisque de ces bords comme elle tu t’envoles,
Hélas ! et que voilà tes suprêmes paroles,
Pour m’instruire, ô mon maître, et non pour t’affliger,
Permets-moi de répondre et de t’interroger. »
Socrate, avec douceur, inclina son visage,
Et Cébès en ces mots interrogea le sage :





« L’âme, dis-tu, doit vivre au delà du tombeau :
Mais si l’âme est pour nous la lueur d’un flambeau,
Quand la flamme a des sens consumé la matière,
Quand le flambeau s’éteint, que devient la lumière ?
La clarté, le flambeau, tout ensemble est détruit,
Et tout rentre à la fois dans une même nuit.
Ou si l’âme est aux sens ce qu’est à cette lyre
L’harmonieux accord que notre main en tire,
Quand le temps ou les vers en ont usé le bois,
Quand la corde rompue a crié sous nos doigts,