Ah ! c’est que j’ai quitté, pour la paix du désert,
La foule où toute paix se corrompt ou se perd ;
C’est que j’ai retrouvé dans mon vallon champêtre
Les soupirs de ma source et l’ombre de mon hêtre,
Et ces monts, bleus piliers d’un cintre éblouissant,
Et mon ciel étoilé d’où l’extase descend ;
C’est que l’âme de l’homme est une onde limpide
Dont l’azur se ternit à tout vent qui la ride,
Mais qui, dès qu’un moment le vent s’est endormi,
Repolit la surface où le ciel a frémi ;
C’est que d’un toit de chaume une faible fumée,
Un peu d’herbe le soir par le pâtre allumée,
Suffit pour obscurcir tout le ciel d’un vallon,
Et dérober le jour au plus pur horizon !
Qu’un vent vienne à souffler du soir ou de l’aurore,
Le nuage flottant s’entr’ouvre et s’évapore ;
L’ombre sur les gazons, se séparant du jour,
Rend à tous les objets leur teinte et leur contour :
Le rayon du soleil, comme une onde éthérée,
Rejaillit de la terre à sa source azurée ;
L’horizon resplendit de joie et de clarté,
Et ne se souvient plus d’un peu d’obscurité.
Ah ! loin de ces cités où les bruits de la terre
Étouffent les échos de l’âme solitaire,
Que faut-il, ô mon Dieu, pour nous rendre ta foi ?
Un jour dans le silence écoulé devant toi,
Regarder et sentir, et respirer, et vivre ;
Vivre, non de ce bruit dont l’orgueil nous enivre,
Mais de ce pain du jour qui nourrit sobrement,
De travail, de prière et de contentement ;
Se laisser emporter par le flux des journées
Vers cette grande mer où roulent nos années,
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