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DE SOCRATE.


« Relevez donc ces fronts que l’effroi fait pâlir !
Ne me demandez plus s’il faut m’ensevelir ;
Sur ce corps, qui fut moi, quelle huile on doit répandre ;
Dans quel lieu, dans quelle urne il faut garder ma cendre.
Qu’importe à vous, à moi, que ce vil vêtement
De la flamme, ou des vers, devienne l’aliment ?
Qu’une froide poussière à moi jadis unie
Soit balayée aux flots ou bien aux gémonies ?
Ce corps vil, composé des éléments divers,
Ne sera pas plus moi qu’une vague des mers,
Qu’une feuille des bois que l’aquilon promène,
Qu’un atome flottant qui fut argile humaine,
Que le feu du bûcher dans les airs exhalé,
Ou le sable mouvant de vos chemins foulé !





» Mais je laisse en partant à cette terre ingrate
Un plus noble débris de ce que fut Socrate :
Mon génie à Platon, à vous tous mes vertus !
Mon âme aux justes dieux ! ma vie à Mélitus,
Comme au chien dévorant qui sur le seuil aboie,
En quittant le festin, on jette aussi sa proie !… »





Tel qu’un triste soupir de la rame et des flots
Se mêle sur les mers aux chants des matelots,
Pendant cet entretien une funèbre plainte
Accompagnait sa voix sur le seuil de l’enceinte :
Hélas ! c’était Myrto demandant son époux,
Que l’heure des adieux ramenait parmi nous !