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DE SOCRATE.

Nombre mystérieux ! profonde trinité !
Triangle composé d’une triple unité !
Les formes, les couleurs, les sons, les nombres même,
Tout me cachait mon Dieu ! tout était son emblème !
Mais les voiles enfin pour moi sont révolus ;
Écoutez !… » Il parlait : nous ne l’entendions plus !





Cependant dans son sein son haleine oppressée,
Trop faible pour prêter des sons à sa pensée,
Sur sa lèvre entr’ouverte, hélas ! venait mourir,
Puis semblait tout à coup palpiter et courir :
Comme, prêt de s’abattre aux rives paternelles,
D’un cygne qui se pose on voit battre les ailes,
Entre les bras d’un songe il semblait endormi.
L’intrépide Cébès penché sur notre ami,
Rappelant dans ses yeux l’âme qui s’évapore,
Jusqu’au bord du trépas l’interrogeait encore :
« Dors-tu ? lui disait-il. La mort, est-ce un sommeil ? »
Il recueillit sa force et dit : « C’est un réveil !
— Ton œil est-il voilé par des ombres funèbres ?
— Non ; je vois un jour pur poindre dans les ténèbres !
— N’entends-tu pas des cris, des gémissements ? ― Non ;
J’entends des astres d’or qui murmurent un nom !
— Que sens-tu ? ― Ce que sent la jeune chrysalide
Quand, livrant à la terre une dépouille aride,
Aux rayons de l’aurore ouvrant ses faibles yeux,
Le souffle du matin la roule dans les cieux.
— Ne nous trompais-tu pas ? réponds : l’âme était-elle… ?
— Croyez-en ce sourire, elle était immortelle !…
— De ce monde imparfait qu’attends-tu pour sortir ?
— J’attends, comme la nef, un souffle pour partir.