Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/485

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Il ne goûta jamais l’ivresse de la gloire,
Ce faux pressentiment d’une vaine mémoire ;
Jamais dans la tempête il n’éleva la voix,
Ou ne jeta son sort dans l’urne de nos lois ;
Jamais il ne força le lion populaire
À frémir à ses pieds d’amour ou de colère ;
Jamais de la victoire il ne vit les enfants
Incliner sur son front leurs drapeaux triomphants.
Il ne promena point sa vague inquiétude
De rivage en rivage et d’étude en étude ;
Il ne vit point son or, marchandant ses plaisirs,
Tarir entre ses mains plus tard que ses désirs ;
Il n’alla point chercher dans Rome ou dans la Grèce
Les mystères voilés de l’antique sagesse,
Ni du bleu firmament, pour enchanter ses yeux,
Voir des astres nouveaux levés sous d’autres cieux ;
Mais il eut, sans goûter une science amère,
La loi de ses aïeux et le Dieu de sa mère ;
Reçut, sans la peser à nos poids inconstants,
Dans un cœur simple et pur la sagesse des temps,
Comme des mains d’un père on prend son héritage,
Avec l’eau qui l’arrose et l’arbre qui l’ombrage.
Il semait de ses mains le champ de ses aïeux,
Il ne se lassait pas du spectacle des cieux ;
Il voyait chaque jour sur la terre arrosée
L’aurore se dissoudre en perles de rosée,
Les bois se revêtir de leurs manteaux flottants,
La séve remonter aux bourgeons du printemps ;
Les fleurs, où le Très-Haut rassembla ses merveilles,
Livrer l’ambre liquide aux rayons des abeilles ;
L’astre du jour mourant dans un couchant vermeil
De ses derniers regards inspirer le sommeil ;
Ou les feux dispersés dans des nuits embaumées,
Calculant sans compas leurs courbes enflammées,