Cependant il est doux de respirer encore
Cet air du ciel natal où l’on croit rajeunir,
Cet air qu’on respira dès sa première aurore,
Cet air tout embaumé d’antique souvenir !
Il est doux de le voir balancer le feuillage
Du chêne couronné qui prêta son ombrage
À nos rêves au fond des bois ;
Ou, comme un vieil ami dont on connaît la voix,
De l’entendre siffler sur l’herbe des collines,
Et prolonger le soir, à travers les ruines,
Les sourds murmures d’autrefois !
Il est doux de s’asseoir au foyer de ses pères,
À ce foyer jadis de vertus couronné,
Et de dire, en montrant le siége abandonné :
« Ici chantait ma sœur, là méditaient mes frères ;
Là ma mère allaitait son charmant nouveau-né ;
Là le vieux serviteur nous contait l’aventure
Des deux jumeaux perdus dans la forêt obscure ;
Là le fils de la veuve emportait notre pain,
Là, sur le seuil couvert de deux figuiers antiques,
À l’heure où les brebis rentraient aux toits rustiques,
Le chien du mendiant venait lécher ma main ! »
Notre âme, en remontant à ses premières heures,
Ranime tour à tour ces fantômes chéris,
Et s’attache aux débris de ces chères demeures,
S’il en reste au moins un débris !
Ainsi quand nous cherchons en vain dans nos pensées
D’un air qui nous charmait les traces effacées,
Si quelque souffle harmonieux,
Effleurant au hasard la harpe détendue,