Moins de flots ont roulé sur les sables de Laisse[1],
Moins de rides d’azur ont sillonné son sein,
Et, des arbres vieillis qui couvraient ta jeunesse,
Moins de feuilles d’automne ont jonché le chemin !
Ah ! de nos jours mortels trop rapide est la course !
On regrette la vie avant d’avoir vécu ;
Et le flot, qui jamais ne remonte à sa source,
Ne revoit pas deux fois le doux bord qu’il a vu !
Ah ! si du moins dans nos années
Les jours perdus ne comptaient pas !
Si les jalouses destinées
Les oubliaient sous leur compas !
Mais, hélas ! la mousse ou la lie
Du calice étroit de la vie
Comble également les contours !
Quand il est tari, l’homme expire ;
Les pleurs comptent pour le sourire,
Les nuits d’exil pour de beaux jours.
Je sais qu’après un long orage,
Brisé d’efforts et de douleur,
Tu fus recueilli sur la plage
Par un peuple ami du malheur ;
Qu’une juste reconnaissance,
Comme une seconde naissance,
T’apprit à bénir d’autres cieux ;
Qu’au sein d’une épouse chérie,
L’amour te fit une patrie
Loin des tombeaux de tes aïeux.
- ↑ Nom d’un torrent de Savoie.