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Combien de fois déjà les ai-je vus renaître
Ces ans si prompts à fuir, si prompts à revenir !
Combien en compterai-je encore ? Un seul peut-être !
Plus le passé fut plein, plus vide est l’avenir.

Cependant les mortels, avec indifférence,
Laissent glisser les jours, les heures, les moments ;

L’ombre seule marque en silence

Sur le cadran rempli les pas muets du temps.
On l’oublie ; et voilà que les heures fidèles

Sur l’airain ont sonné minuit,

Et qu’une année entière a replié ses ailes

Dans l’ombre d’une seule nuit !

De toutes les heures qu’affronte
L’orgueilleux oubli du trépas,
Et qui sur l’airain qui les compte
En fuyant impriment leurs pas,
Aucune à l’oreille insensible
Ne sonne d’un glas plus terrible
Que ce dernier coup de minuit ;
C’est comme une borne fatale
Marquant d’un suprême intervalle
Le temps qui commence et qui fuit.

Les autres s’éloignent et glissent
Comme des pieds sur les gazons,
Sans que leurs bruits nous avertissent
Des pas nombreux que nous faisons ;
Mais cette minute accomplie
Jusqu’au cœur léger qui l’oublie