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À travers des cyprès dont l’immobilité,
Symbole de tristesse et d’immortalité,
Projette sur les murs des ombres sépulcrales
Que les reflets du ciel percent par intervalles,
S’étend sur la colline un champêtre séjour :
Un long buisson de myrte en trace le contour ;
Sur des gazons naissants, de flexibles allées,
D’un rideau de verdure à peine encor voilées,
Égarant au hasard leur cours capricieux,
Conduisent, en tournant ou les pas ou les yeux,
Jusqu’au seuil où, formant de vertes colonnades,
La clématite en fleur se suspend aux arcades ;
Sur les toits aplatis, des jardins d’oranger
Ornent de leurs fruits d’or leur feuillage étranger ;
L’eau fuit dans les bassins, et, quand le jour expire,
Imite en murmurant les frissons du zéphire.
De là, l’œil enchanté voit, au pied des coteaux,
Gênes, fille des mers, sortir du sein des eaux ;
Les dômes élancés de ses saintes demeures,
D’où l’airain frémissant fait résonner les heures ;
Et les mâts des vaisseaux qui, dormant dans ses ports,
S’élèvent au niveau des palais de ses bords,
Et quand le flot captif les presse et les soulève,
D’un lourd gémissement font retentir la grève.
Quel silence !… Avançons… Tout dort-il en ces lieux ?
L’éclat d’aucun flambeau n’y vient frapper mes yeux ;
Nul pas n’y retentit, nulle voix n’y murmure :
Seulement, au détour de cette route obscure,
Un page et deux coursiers attendent ; et plus bas,
Dans cette anse où les flots expirent sans fracas,
Un brick aux flancs étroits, que l’on charge en silence,
Tend sa voile, et déjà sous son poids se balance.
Ces armes, ces coursiers, ce vaisseau loin du port,
Tout révèle un départ, et cependant tout dort !…