Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/92

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Et que de son sommet éclatant, d’où les yeux
Plongent sur une mer qui va s’unir aux cieux,
Albano l’entendit, en découvrant l’abîme,
Saluer l’Océan d’un adieu si sublime,
On n’a plus reconnu sa voix ; et l’univers,
Encor retentissant de ses derniers concerts,
Comme un temple muet, semble attendre en silence
Que l’hymne interrompu tout à coup recommence.
Que fait-il ? Sur quels bords ses astres inconstants
Ont-ils poussé ses mâts brisés avant le temps ?
Quels flots furent témoins de son dernier naufrage ?
Quel sol consolateur lui prêta son rivage ?
Ô muse qui donnais ta lyre à ses douleurs,
Viens donc ; suivons ses pas aux traces de ses pleurs !


V


Il est nuit, mais la nuit sous ce ciel n’a point d’ombre :
Son astre, suspendu dans un dôme moins sombre,
Blanchit de ses lueurs des bords silencieux,
Où la vague se teint du bleu pâle des cieux ;
Où la côte des mers, de cent golfes coupée,
Tantôt humble et rampante et tantôt escarpée,
Sur un sable argenté vient mourir mollement,
Ou gronde sous le choc de son flot écumant.
De leurs vastes remparts les Alpes l’environnent ;
Leurs sommets colorés que les neiges couronnent,
De colline en colline abaissés par degrés,
Montrent, près de l’hiver, des climats tempérés
Où l’aquilon, fuyant de son propre royaume,
De leurs tièdes parfums s’attiédit et s’embaume.