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premiers eux-mêmes avec la sincérité et la ferveur de leur foi. J’y avais résisté quelque temps sous l’impression des préventions et de l’antipathie que mon premier séjour dans le collège de Lyon m’avait laissées contre mes premiers maîtres. Mais la douceur, la tendresse d’âme et la persuasion insinuante d’un régime plus sain, sous mes maîtres nouveaux, ne tardèrent pas à agir avec la toute-puissance de leur enseignement sur une imagination de quinze ans. Je retrouvai insensiblement auprès d’eux la piété naturelle que ma mère m’avait fait sucer avec son lait. En retrouvant la piété, je retrouvai le calme dans mon esprit, l'ordre et la résignation dans mon âme, la règle dans ma vie, le goût de l’étude, le sentiment de mes devoirs, la sensation de la communication avec Dieu, les voluptés de la méditation et de la prière, l’amour du recueillement intérieur, et ces extases de l’adoration en présence de Dieu auxquelles rien ne peut être comparé sur la terre, excepté les extases d’un premier et pur amour. Mais l’amour divin, s’il a des ivresses et des voluptés de moins, a de plus l’infini et l’éternité de l’être qu’on adore ! Il a de plus encore sa présence perpétuelle devant les yeux et dans l’âme de l’adorateur. Je le savourai dans toute son ardeur et dans toute son immensité.

Il m’en resta plus tard ce qui reste d’un incendie qu’on a traversé : un éblouissement dans les yeux et une tache de brûlure sur le cœur. Ma physionomie en fut modifiée ; la légèreté un peu évaporée de l’enfance y fit place à une gravité tendre et douce, à cette concentration méditative du regard et des traits qui donne l’unité et le sens moral au visage. Je ressemblais à une statue de l’Ado1escenee enlevée un moment de l’abri des autels pour être offerte en modèle aux jeunes hommes. Le re-