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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/210

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dus dans des apparitions errantes, enchantèrent ou attristèrent notre sommeil agité jusqu’au matin. Le soir de ce jour et les deux jours qui suivirent, il fallut relire deux fois à la jeune fille le même récit. Nous l’aurions relu cent fois de suite qu’elle ne se serait pas lassée de le demander encore. C’est le caractère des imaginations du Midi, rêveuses et profondes, de ne pas chercher la variété dans la poésie ou dans la musique ; la musique et la poésie ne sont, pour ainsi dire, que les thèmes sur lesquels chacun brode ses propres sentiments ; on s’y nourrit, sans satiété, comme le peuple, du même récit et du même air pendant des siècles. La nature elle-même, cette musique et cette poésie suprême, qu’a-t-elle autre chose que deux ou trois paroles et deux ou trois notes, toujours les mêmes, avec lesquelles elle attriste ou enchante les hommes, depuis le premier soupir jusqu’au dernier ?


XIX


Au lever du soleil, le neuvième jour, le vent de l’équinoxe tomba enfin, et, en peu d’heures, la mer redevint une mer d’été. Les montagnes mêmes de la côte de Naples, ainsi que les eaux et le ciel, semblaient nager dans un fluide plus limpide et plus bleu que pendant les mois des grandes chaleurs, comme si la mer le firmament et les montagnes eussent déjà senti ce premier frisson de l’hiver qui cristallise l’air et le fait étinceler comme l’eau figée des glaciers. Les feuilles jaunies de la vigne et les feuilles brunies des figuiers commençaient à tomber et à joncher la cour. Les raisins étaient