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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/318

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qu’une larme, une espérance et une invocation. Rentrée en France, ayant retrouvé son fils et ses filles, recueillant çà et là quelques débris de sa fortune considérable, elle s’était enfermée dans une terre du Dauphiné ; elle y menait une vie toute monastique, vivifiée seulement par ses bonnes œuvres et par sa tendresse pour ses enfants. Les jésuites, sous le nom de Pères de la Foi, venaient de fonder un collège sur les frontières de la France et de ; la Savoie, à Belley. Ce collège grandissait de renommée au milieu de tous les débris d’institutions enseignantes dispersées par la révolution. Il contrastait heureusement aussi avec cette éducation au tambour des lycées impériaux, où Bonaparte, empereur, voulait mettre la pensée de toute la France en uniforme et faire un peuple de soldats au lieu d’un peuple de citoyens. Les familles nobles, ennemies de l’empire, les familles religieuses de la bourgeoisie, envoyaient de France, de Savoie, d’Allemagne et d’Italie leurs fils dans cette institution naissante. Trois cents jeunes gens de tous les pays y recevaient une éducation à la fois pieuse et libérale. Je ne suis pas partisan en général de l’éducation du siècle par le clergé ; je déteste la théocratie, parce qu’elle revendique la tyrannie au nom du’Dieu de liberté et qu’elle la perpétue en la sacrant. Je redoute pour l’esprit humain l’influence du sacerdoce dans les gouvernements ; mais aucune de ces considérations ne m’empêchera de reconnaître et de proclamer la vérité. On ne me fera jamais nier le bien où il est.

Tant que l’esprit du siècle ne deviendra pas une foi religieuse qui dévore à son tour les âmes, les établissements laïques lutteront inégalement avec les établissements du sacerdoce. Il faut que l’État devienne une religion aussi. S’il n’est qu’une administration morte,