Dieu vaut bien qu’on la prenne au sérieux, et la nature humaine est assez noble et assez malheureuse pour que, si on ne la prend pas en respect, on la prenne au moins en pitié. La plaisanterie en pareille matière n’est pas seulement cruelle, elle est une impiété.
Voilà ce que je disais dès lors à Virieu, et ce que plus tard il s’est dit mieux que moi, quand les notes graves de la passion et du malheur résonnèrent enfin dans son âme. Il creusait trop la pensée pour ne pas arriver au fond, c’est-à-dire à Dieu.
Quelques années après nos études finies, nous nous trouvâmes à Chambéry ; je m’y arrêtai un jour ou deux pour le voir en allant pour la première fois en Italie. Notre amitié se renoua avec plus de connaissance de nous-mêmes et avec une mutuelle inclination d’esprit plus prononcée que jamais. Trois ans de séparation nous avaient appris à nous regretter. Nous nous jurâmes une fraternité sérieuse et inaltérable. Nous nous sommes tenu parole. Depuis ce jour nous ne nous sommes plus quittés de cœur et d’esprit.
Nous avons vécu à deux. Il vint me rejoindre à Rome six mois après. Nous voyageâmes longtemps ensemble ; nous achevâmes l’un à l’autre notre éducation : ce qui