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petite ville qu’habitait la tante de mademoiselle ***.

Le costume de chasseur le sauvait des explications à donner sur le soin qu’il prenait d’éviter les routes frayées et les villages. D’ailleurs la connivence des paysans royalistes et religieux de ces montagnes les avait accoutumés à respecter le secret de ces fuites et de ces travestissements fréquents dans le pays.

Cependant, avant d’entrer dans la petite ville de *** où la surveillance devait être plus éveillée, il crut devoir prévenir la tante de mademoiselle de *** de l’approche de sa jeune parente, et lui demander sous quel nom, sous quelle apparence et à quelle heure il devait l’introduire dans sa maison.

Il envoya à la ville un enfant chargé d’un billet pour cette dame. Après quelques heures d’attente, pendant lesquelles sa jeune compagne n’avait cessé de pleurer à l’idée d’une séparation si prochaine, il vit revenir l’enfant avec le billet. La tante elle-même venait d’être arrêtée, conduite par les gendarmes à Nîmes. La maison était scellée ; ce seul asile de la pauvre enfant se fermait au terme du voyage devant ses pas. Ce coup frappa plus qu’il n’affligea au fond de l’âme les deux fugitifs. La pensée d’une séparation prochaine et éternelle les consternait plus qu’ils n’osaient se l’avouer à eux-mêmes. La fatalité les réunissait. Tout en l’accusant, ils ne pouvaient s’empêcher de l’adorer.


XIX


Ils délibérèrent un moment sur le parti qu’ils avaient à prendre. Ils s’arrêtèrent naturellement, et sans se concer-