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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/371

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ter, sur celui qui les séparerait le plus tard possible. Le jeune proscrit ne pouvait pas reparaître dans la maison du curé de Bussières sans être arrêté à l’instant et sans perdre son bienfaiteur ; la jeune fille n’avait plus un seul asile chez les parents de son père dans le Forez qui ne fût fermé par la terreur et dont les habitants ne fussent eux-mêmes proscrits. Ils résolurent de se rapprocher du château de ***, et de demander asile dans les montagnes voisines aux chaumières de quelques paysans hospitaliers attachés à leur ancien seigneur.

Ils revinrent à lentes journées sur leurs pas. Ils frappèrent de nuit à la porte d’une pauvre femme, veuve d’un sabotier, qui avait été la nourrice de la jeune fille, et dont la tendresse, la reconnaissance et le dévouement garantissaient la fidélité. La chaumière isolée, assise sur un des derniers plateaux des plus hautes montagnes dans une clairière au milieu des bois de hêtres, était inaccessible à toute autre visite qu’à celle des bûcherons ou des chasseurs des hameaux voisins. Petite, basse, encaissée dans un pli de ravin, couverte en chaume verdi de mousse, qui descendait presque jusqu’au sol, et dont la couleur se confondait avec celle des steppes, on la distinguait à peine d’en bas des rochers gris auxquels le pauvre sabotier l’avait adossée. Une petite colonne de fumée bleuâtre qu’on voyait s’élever le matin et le soir parmi les troncs blancs des hêtres indiquait seule une habitation humaine, ou le feu de bois vert sous la cabane nomade du charbonnier.