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absence, qu’il faudrait bien que sa mère consentît à prendre José pour toujours chez elle, au prochain printemps.


XXXV


Tout en causant ainsi, nous nous rapprochions des deux femmes. Je marchais déjà presque sur l’ombre de la belle Marguerite, que le soleil couchant prolongeait bien loin sur la route, jusqu’au bord de mes pieds. J’admirais sans parler la taille leste et la démarche cadencée de cette ravissante fille des montagnes, à laquelle la nature avait imprimé plus de noblesse et plus de grandeur que l’art n’en peut affecter dans l’attitude des femmes étudiées de nos théâtres ou de nos salons. Elle avait cependant ôté ses bas et marchait pieds nus, en tenant un de ses beaux souliers à boucles dans chaque main. Elle m’entendait causer avec l’enfant, et se retournait de temps en temps pour le rappeler. Son visage était grave, mais serein et sans larmes. On entrevoyait l’espérance dans son chagrin. Elle pressait le pas, sans doute pour arriver à son village avant la nuit.

Tout à coup, au sommet d’une petite montée que gravit la route, à un quart d’heure de la cascade, un faible et lointain grincement de l’instrument montagnard se fit entendre et se prolongea en air mélancolique à travers les feuilles des trembles et des frênes qui bordent a gauche le lit du torrent de Coux.

Nous nous retournâmes tous les quatre, nous regardâmes du côté d’où venait le son ; nous vîmes bien loin, au sommet d’une des rampes qui s’échelonnent contre