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beauté. On la croyait toujours à vingt ans, car elle n’avait que l’âge de ses impressions, et ses impressions avaient l’éternelle fraîcheur de son éternelle virginité d’esprit. Entre elle et ses filles, il n’y avait que la distance de la branche au fruit ; le regard les cueillait ensemble et ne les séparait pas.

Ses filles, au nombre de cinq, se groupaient toutes en ce moment autour d’elle, comme dans un tableau de famille ordonné par le plus grand des sculpteurs et le plus pittoresque des peintres, la nature et le hasard. Leurs figures charmantes et diverses, quoique harmonisées par ce qu’on nomme l’air de famille et par la similitude du costume, se détachaient un peu en arrière de leur mère, sur le fond plus sombre du portail de l’église, où les arceaux surbaissés gardaient un peu de nuit. On eût dit d’un groupe d’anges du matin, sortant à demi des ténèbres pour se mêler un à un au jour, dont ils sont à la fois l’émanation et l’éblouissement.

La lenteur du mouvement de la foule, les haltes fréquentes sur la même marche du perron, donnaient le temps de bien contempler ces belles statues animées. Je les revoyais moi-même pour la première fois ensemble, depuis la sortie des plus âgées du couvent. Je ne pouvais m’empêcher de participer au frémissement de faveur générale que je voyais se presser et que j’entendais s’élever autour de moi pour cette admirable réunion de figures, pour ce bouquet de famille auquel je tenais de si près.

L’aînée des filles de ma mère, qui n’avait encore que dix-huit ans, s’appelait Cécile. Sa taille splendide eût été déjà au niveau de celle de ma mère, si l’extrême modestie de sa nature, qui lui faisait redouter l’admiration comme un autre redoute la honte, n’avait un