« Cette publicité, dis-tu, déflore les choses du cœur, et les feuilletons sont la monnaie de billon des livres. Pourquoi fais-tu cette faute ? ajoutes-tu avec cette franchise un peu rude qui est le stoïcisme de la véritable amitié. Est-ce pour te nourrir de tes propres sentiments ? Ils seront moins à toi quand ils seront à tout le monde. Est-ce pour de la gloire ? Il n’y en a pas dans le berceau ; il n’y en a que sur le tombeau d’un très-petit nombre d’hommes. La célébrité n’est que la gloire du jour ; elle n’a pas de lendemain. Est-ce pour de l’argent ? Mais c’est le payer trop cher ! Explique-moi tout cela, ou arrête-toi, s’il en est temps, car je n’y comprends rien. »
Hélas ! mon ami, je vais m’expliquer : mais je commence par convenir avec humilité que tu as raison sur tous les points. Seulement, quand tu auras entendu d’une oreille un peu partiale mon explication, peut-être conviendras-tu tristement à ton tour que je n’ai pas eu tort. Voici le fait tout nu ; c’est une confidence aussi, et ce n’est peut-être pas la moins indiscrète.
Tu te souviens du temps de notre jeunesse, de ces jours d’automne que j’allais passer avec toi dans le solitaire château de ta mère, en Dauphiné, sur cette colline de Bien-Assis, à peine renflée sur la plaine de Crémieux, comme une vague décroissante qui apporte un navire à la plage. Je vois encore d’ici la terrasse couverte de ses arcades de vigne, la source dans le jardin sous deux saules pleureurs que ta mère venait de planter, et dont, sans doute, quelque rejeton s’effeuille maintenant sur sa tombe ; les grands bois derrière où retentissait, le matin, la voix de tes chiens ; le salon orné du portrait de ton père en uniforme d’officier général, avec un cordon rouge de l’ancien régime ; la tourelle, enfin, toute pleine de livres, dont ta mère tenait la clef, et qui ne s’ouvrait qu’en sa