Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/512

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Le jour flotte de feuille en feuille ;
L’oiseau chante sur ton chemin,
Et l’homme à genoux te recueille
Dans l’or ou le creux de sa main.

Et la feuille aux feuilles s’entasse,
Et, fidèle au doigt qui t’a dit :
« Coule ici pour l’oiseau qui passe, »
Ton flot murmurant l’avertit.

Et moi, tu m’attends pour me dire :
Vois ici la main de ton Dieu !
Ce prodige que l’ange admire,
De sa sagesse n’est qu’un jeu. »

Ton recueillement, ton murmure,
Semblent lui préparer mon cœur ;
L’amour sacré de la nature
Est le premier hymne à l’auteur.

A chaque plainte de ton onde
Je sens retentir avec toi
Je ne sais quelle voix profonde
Qui l’annonce et le chante en moi.

Mon cœur, grossi par mes pensées,
Comme les flots dans ton bassin,
Sent, sur mes lèvres oppressées,
L’amour déborder de mon sein,

La prière, brûlant d’éclore,
S’échappe en rapides accents,
Et je lui dis : « Toi que j’adore,
Reçois ces larmes pour encens. »

Ainsi me revoit ton rivage
Aujourd’hui, différent d’hier,
Le cygne change de plumage,
La feuille tombe avec l’híver.