Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/511

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Et maintenant, je viens encore,
Mené par l’instinct d’autrefois,
Écouter ta chute sonore
Bruire à l’ombre des grands bois.

Mais les fugitives pensées
Ne suivent plus tes flots errants
Comme ces feuilles dispersées
Que ton onde emporte aux torrents.

D’un monde qui les importune
Elles reviennent à ta voix,
Aux rayons muets de la lune
Se recueillir au fond des bois.

Oubliant le fleuve où t’entraîne
Ta course que rien ne suspend,
Je remonte de veine en veine
Jusqu’à la main qui te répand ;

Je te vois, fille des nuages,
Flottant en vagues de vapeurs,
Ruisseler avec les orages
Ou distiller au sein des fleurs,

Le roc altéré te dévore
Dans l’abîme où grondent ses eaux ;
Où le gazon, par chaque pore,
Boit goutte à goutte tes cristaux.

Tu filtres, perle virginale,
Dans des creusets mystérieux,
Jusqu’à ce que ton onde égale
L’azur étincelant des cieux.

Tu parais, le désert s’anime ;
Une haleine sort de tes eaux.
Le vieux chêne élargit sa cime
Pour t’ombrager de ses rameaux.