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sapin de huit ou dix ans. Nous les avons fendues dans leur longueur en vingt ou trente petites lattes de l’épaisseur d’une ligne ou deux. Nous n’avons laissé intacte que l’extrémité inférieure de l’arbre ainsi fendu, afin que les lattes ne se séparent pas, et qu’il nous reste un manche solide dans la main pour les porter. Nous les avons reliées, en outre, de distance en distance, par des fils de fer qui retiennent tout le faisceau uni. Pendant plusieurs semaines nous les avons fait dessécher en les introduisant dans le four banal du village après qu’on en a tiré le pain. Ces petits arbres ainsi préparés, calcinés par le four et imbibés de la résine naturelle au sapin, sont des torches qui brûlent lentement, que rien ne peut éteindre, et qui jettent des flammes d’une rongeur éclatante au moindre vent qui les allume. Chacun de nous porte un de ces sapins sur son épaule. Arrivés au pied du rocher, nous le contournons à sa base pour trouver accès à la bouche tortueuse de la caverne qui s’entrouvre au-dessus de nos fronts. Nous y parvenons en nous hissant de roche en roche, et en déchirant nos mains et nos genoux. L’embouchure, recouverte par une voûte naturelle d’immenses blocs buttés les uns contre les autres, suffit à nous abriter tous. Elle se rétrécit bientôt, obstruée par des bancs de pierre qu’il faut franchir, puis, tournant tout à coup et descendant avec la rapidité d’un escalier sans marches, elle s’enfonce dans la montagne et dans la nuit.

Là, le cœur nous manque un peu. Nous lançons des pierres dont le bruit lent à descendre remonte à nos oreilles en échos souterrains. Les chauves-souris effrayées sortent à ce bruit de leur antre, et nous frappent le visage de leurs membranes gluantes. Nous allumons