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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/69

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linge du ménage, et par des sacs de blé ou de farine déposés la pour les besoins journaliers de la famille. À gauche est la cuisine, dont la porte, toujours ouverte, laisse apercevoir une longue table de bois de chêne entourée de bancs. Il est rare qu’on n’y voie pas des paysans attablés à toute heure du jour, car la nappe y est toujours mise, soit pour les ouvriers, soit pour ces innombrables survenants à qui on offre habituellement le pain, le vin et le fromage, dans des campagnes éloignées des villes et qui n’ont ni auberge ni cabaret. À gauche, on entre dans la salle à manger. Rien ne la décore qu’une table de sapin, quelques chaises et un de ces vieux buffets à compartiments, à tiroirs et à nombreuses étagères, meuble héréditaire dans toutes les vieilles demeures, et que le goût actuel vient de rajeunir en les recherchant. De la salle à manger, on passe dans un salon à deux fenêtres, l’une sur la cour, l’autre au nord, sur un jardin. Un escalier, alors en bois, que mon père fit refaire en pierres grossièrement taillées, mène à l’étage unique et bas où une dizaine de chambres presque sans meubles ouvrent sur des corridors obscurs. Elles servaient alors à la famille, aux hôtes et aux domestiques. Voilà tout l’intérieur de cette maison, qui nous a si longtemps couvés dans ses murs sombres et chauds ; voilà le toit que ma mère appelait avec tant d’amour sa Jérusalem, sa maison de paix ! Voilà le nid qui nous abrita tant d’années de la pluie, du froid, de la faim, du souffle du monde ; le nid où la mort est venue prendre tour a tour le père et la mère, et dont les enfants se sont successivement envolés, ceux-ci pour un lieu, ceux-là pour un autre, quelques-uns pour l’éternité… J’en conserve précieusement les restes, la paille, les mousses, le duvet ; et, bien qu’il soit maintenant