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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/107

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Et qu’est-ce que la gloire ? Un vain son répété,
Une dérision de notre vanité,
Un nom qui retentit sur des lèvres mortelles,
Vain, trompeur, inconstant, périssable comme elles,
Et qui, tantôt croissant et tantôt affaibli,
Passe de bouche en bouche à l’éternel oubli ;
Nectar empoisonné dont notre orgueil s’enivre,
Qui fait mourir deux fois ce qui veut toujours vivre !

Et qu’est-ce que l’amour ? Ah ! prête à le nommer,
Ma bouche en le niant craindrait de blasphémer !
Lui seul est au-dessus de tout mot qui l’exprime.
Éclair brillant et pur du feu qui nous anime ;
Étincelle ravie au grand foyer des cieux ;
Char de feu qui, vivants, nous porte au rang des dieux ;
Rayon, foudre des sens, inextinguible flamme
Qui fond deux cœurs mortels et n’en fait plus qu’une âme,
Il est… il serait tout, s’il ne devait finir,
Si le cœur d’un mortel le pouvait contenir,
Ou si, semblable au feu dont Dieu fit son emblème,
Sa flamme en s’exhalant ne l’étouffait lui-même !


Mais quand ces biens que l’homme envie
Déborderaient dans un seul cœur,
La mort seule au bout de la vie
Fait un supplice du bonheur :
Le flot du temps qui nous entraîne
N’attend pas que la joie humaine
Fleurisse longtemps sur son cours.
Race éphémère et fugitive,
Que peux-tu semer sur la rive
De ce torrent qui fuit toujours ?