Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/106

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La terre encore a des plages,
Le ciel encore a des jours,
La gloire encor des mirages,
Le cœur encor des amours ;
La nature offre à tes veilles
Des mystères, des merveilles,
Qu’aucun œil n’a profané ;
Et, flétrissant tout d’avance
Dans les champs de l’espérance,
Ta main n’a pas tout glané !






Et qu’est-ce que la terre ? Une prison flottante
Une demeure étroite, un navire, une tente
Que son Dieu dans l’espace éleva pour un jour,
Et dont le vent du ciel en trois pas fait le tour ;
Des plaines, des vallons, des mers et des collines
Où tout sort de la poudre et retourne en ruines,
Et dont la masse à peine est à l’immensité
Ce que l’heure qui sonne est à l’éternité :
Fange en palais pétrie, hélas ! mais toujours fange,
Où tout est monotone et cependant tout change !

Et qu’est-ce que la vie ? Un réveil d’un moment !
De naître et de mourir un court étonnement,
Un mot qu’avec mépris l’Être éternel prononce ;
Labyrinthe sans clef, question sans réponse,
Songe qui s’évapore, étincelle qui fuit,
Éclair qui sort de l’ombre et rentre dans la nuit,
Minute que le temps prête et retire à l’homme,
Chose qui ne vaut pas le mot dont on la nomme !