Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/145

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Dans ce pur océan de vie
Bouillonnant de joie et d’amour,
La mort va te plonger, ravie
Comme une étincelle au grand jour ;
Son flux vers l’éternelle aurore
Va te porter, obscure encore,
Jusqu’à l’astre qui toujours luit,
Comme un flot que la mer soulève
Roule, aux bords où le jour se lève,
Sa brillante écume, et s’enfuit.

Détestais-tu la tyrannie ?
Adorais-tu la liberté ?
De l’oppression impunie
Ton œil était-il révolté ?
Avais-tu soif de la justice,
Horreur du mal, honte du vice ?
Versais-tu des larmes de sang
Quand l’imposture ou la bassesse
Livraient l’innocente faiblesse
Aux serres du crime puissant ?

Sentais-tu la lutte éternelle
Du bonheur et de la vertu,
Et la lutte encor plus cruelle
Du cœur par le cœur combattu ?
Rougissais-tu de ce nom d’homme
Dont le ciel rit, quand l’orgueil nomme
Cette machine à deux ressorts,
L’un de boue et l’autre de flamme,
Trop avili s’il n’est qu’une âme,
Trop sublime s’il n’est qu’un corps ?