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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/146

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Pleurais-tu quand la calomnie
Souillait la gloire de poison,
Ou quand les ailes du génie
Se brisaient contre sa prison ?
Pleurais-tu lorsque Philomèle,
Couvant ses petits sous son aile,
Tombait sous l’ongle du vautour ;
Quand la faux tranchait une rose,
Ou que la vierge à peine éclose
Mourait à son premier amour ?

Et sentais-tu ce vide immense
Et cet inexorable ennui,
Et ce néant de l’existence,
Cercle étroit qui tourne sur lui ?
Même en t’enivrant de délices,
Buvais-tu le fond des calices ?
Heureuse encor, n’avais-tu pas
Et ces amertumes sans causes,
Et ces désirs brûlants de choses
Qui n’ont que leurs noms ici-bas ?

Triomphe donc, âme exilée !
Tu vas dans un monde meilleur,
Où toute larme est consolée,
Où tout désir est le bonheur ;
Où l’être qui se purifie
N’emporte rien de cette vie
Que ce qu’il a d’égal aux dieux,
Comme la cime encore obscure
Dont l’ombre décroît, à mesure
Que le jour monte dans les cieux.