Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/252

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D’autres, accumulant pour enfouir encor,
Recueillent dans la fange une poussière d’or.
Mais mon œil a percé ces ombres de la vie :
Aucun de ces faux biens que le vulgaire envie,
Gloire, puissance, orgueil, éprouvés tour à tour,
N’ont pesé dans mon cœur un soupir de l’amour,
D’un de ses souvenirs même effacé la trace,
Ni de mon âme une heure agité la surface,
Pas plus que le nuage ou l’ombre des rameaux
Ne ride en s’y peignant la surface des eaux.
Après l’amour éteint si je vécus encore,
C’est pour la vérité, soif aussi qui dévore !





Ombre de nos désirs, trompeuse vérité,
Que de nuits sans sommeil ne m’as-tu pas coûté,
À moi comme aux esprits fameux de tous les âges
Que l’ignorance humaine, hélas ! appela sages,
Tandis qu’au fond du cœur riant de leur vertu,
Ils disaient en mourant : « Science, que sais-tu ? »
Ah ! si ton pur rayon descendait sur la terre,
Nous tomberions frappés comme par le tonnerre !
Mais ce désir est faux comme tous nos désirs,
C’est un soupir de plus parmi nos vains soupirs !
La tombe est de l’amour le fond lugubre et sombre ;
La vérité toujours a nos erreurs pour ombre,
Chaque jour prend pour elle un rêve de l’esprit
Qu’un autre jour salue, adore, et puis maudit !