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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/260

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La conscience ! instinct d’une autre vérité,
Qui guide par sa force et non par sa clarté,
Comme on guide l’aveugle en sa sombre carrière,
Par la voix, par la main, et non par la lumière.
Noble instinct, conscience, ô vérité du cœur !
D’un astre encor voilé prophétique chaleur,
Tu m’annonces toi seule, en tes mille langages,
Quelque chose qui luit derrière ces nuages.
Dans quelque obscurité que tu plonges mes pas,
Même au fond de la nuit tu ne t’égares pas !
Quand ma raison s’éteint, ton flambeau luit encore :
Tu dis ce qu’elle tait, tu sais ce qu’elle ignore ;
Quand je n’espère plus, l’espérance est ta voix ;
Quand je ne crois plus rien, tu parles, et je crois !





Et ma main hardiment brise et jette loin d’elle
La coupe des plaisirs et la coupe mortelle ;
Et mon âme, qui veut vivre et souffrir encor,
Reprend vers la lumière un généreux essor,
Et se fait, dans l’abîme où la douleur la noie,
De l’excès de sa peine une secrète joie ;
Comme le voyageur parti dès le matin,
Qui ne voit pas encor le terme du chemin,
Trouve le ciel brûlant, le jour long, le sol rude,
Mais, fier de ses sueurs et de sa lassitude,
Dit en voyant grandir les ombres des cyprès :
« J’ai marché si longtemps que je dois être près ! »
À ce risque fatal je vis, je me confie ;
Et dût ce noble instinct, sublime duperie,
Sacrifier en vain l’existence à la mort,
J’aime à jouer ainsi mon âme avec le sort ;