Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/106

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Sur les débris épars de ces mêmes demeures
Où la lyre d’Horace avait charmé les heures,
Le solitaire errant chantait à demi-voix
L’immortel testament d’un Dieu mort sur la croix,
Et la cloche du soir, dans le ciel balancée,
D’un pieux souvenir éveillant la pensée,
Tintait de l’angélus l’harmonieux soupir,
Comme un adieu plaintif du jour qui va mourir !
Mais alors l’Anio sous ces voûtes profondes
De rochers en rochers jetait encor ses ondes ;
Au pin pyramidal les pâles peupliers
S’entrelaçaient encor sur de riants sentiers ;
D’un radieux couchant les vapeurs empourprées
Baignaient de Tusculum les cimes azurées,
L’océan sans rivage en bornait l’horizon ;
Mille débris sacrés y jonchaient le gazon,
Et les yeux, enivrés de ces sublimes scènes,
Retrouvaient quelques pleurs pour les grandeurs humaines.
Le voyageur assis sur un cype effacé
Cherchait à l’horizon la ville du passé,
Et de cette grande ombre à ses yeux transformée
Voyait monter encor l’éternelle fumée !


Maintenant le sol même avait péri : les yeux
Ne reconnaissaient plus la nature et les cieux.
La terre avait tremblé ; dans le sein des vallées,
Les monts avaient baissé leurs têtes écroulées
Sur ce lit où le fleuve avait perdu ses eaux ;
Les bois n’étendaient plus leurs ombrageux rameaux.
Un silence éternel, effroi de la nature,
Régnait seul où régnait son éternel murmure.
L’océan semblait mort, le ciel vide, et pour l’œil
L’horizon n’était plus que solitude et deuil.