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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/115

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Ah ! qu’ils rappellent peu, par leurs traits effacés,
Ces premiers jours du monde à jamais éclipsés,
Quand, sous leurs premiers pas, la terre épanouie
Exhalait vers son Dieu comme un parfum de vie,
Et qu’emportant les vœux des mortels innocents,
Ils s’en allaient chargés de nuages d’encens !
Mais, à présent, dans l’ombre où leur cercle s’achève,
Sur un désert en deuil il se couche et se lève
Sans qu’un cœur innocent, sans qu’un pieux regard
L’invoque à son lever, le suive à son départ !
Cependant, ô ma fille ! un œil nous les mesure ;
Ils doivent leurs tributs au Roi de la nature ;
Il ne les a point faits, comme un vain ornement,
Pour semer de leurs feux la nuit du firmament,
Mais pour lui rapporter, aux célestes demeures,
La Gloire et la Vertu sur les ailes des Heures !
Accomplissons donc seuls leur sublime devoir !
Prions le jour, la nuit, le matin et le soir !
Et tandis que la terre, à son instant suprême,
Le nie ou le maudit, l’oublie ou le blasphème,
Que l’hommage du soir, présenté par nos mains,
Lui porte encor l’encens et la voix des humains ! »
Il disait ; et, le front courbé dans la poussière,
Sa bouche murmurait une sourde prière.
La vierge agenouillée à ces sons répondait ;
Dans un accord divin leur voix se confondait ;
Sa tendre voix mêlée à sa voix ferme et grave
Formait de tons divers un contraste suave.
Tel au bruit d’un torrent qui gronde au fond des bois
L’oiseau du ciel se plaît à marier sa voix.


Cependant Éloïm, collé contre la pierre,
N’osait, pour leur parler, suspendre leur prière ;