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dans le timbre creux et cassé de l’accent : telle était la comtesse Livia D***, grand’mère de la jeune femme.

Elle se souleva avec effort sur le coude à mon apparition dans la chambre ; elle suivait de l’œil la physionomie et les mouvements de sa petite-fille, comme si l’une eût été la pensée, l’autre le geste et la voix de cette scène. On voyait que toute l’âme de la mère n’était plus en elle, mais dans son enfant.


VII


Monsieur, me dit en italien la jeune femme avec une voix qui tremblait un peu et avec un timbre si sonore et si perlé qu’on croyait, en l’écoutant, entendre couler des perles sur un bassin, je suis la princesse Régina, et voilà la comtesse Livia, ma grand’mère. Je sais par celui qui est votre ami et qui est pour moi tout…, que ce nom de Saluce suffit pour toute introduction de vous à nous et de nous à vous ; il est le nœud de notre cœur et du vôtre. Vous savez notre vie par ses lettres ; nous vous connaissons par les vôtres ; il n’a pas de secrets pour nous, vous n’en avez pas pour lui. Nous vous connaissons donc, quoique nous ne nous soyons jamais vus, comme si j’étais Saluce et comme si vous étiez moi-même. Supprimons donc le temps et les cérémonies entre nous, ajouta-t-elle en s’approchant vivement de moi comme si elle eût été ma sœur, et en me prenant la main dans ses belles mains tremblantes. Soyons amis en une heure comme nous le serions en dix ans. Que sert le temps, dit-elle encore avec une petite moue d’impatience où éclatait l’énergie de sa volonté, que sert le temps s’il ne sert pas à s’aimer plus vite ? »