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son horizon parce qu’il préfère son soleil à la gloire, je connaissais peu de monde à Marseille. Je ne cherchais pas à connaître, je cherchais l’isolement pour le loisir et le loisir pour l’étude ; j’écrivais l’histoire d’une révolution sans me douter qu’une autre révolution regardait déjà par-dessus mon épaule pour m’arracher les pages à peine terminées, et pour me remettre un autre drame de la France, non sous la plume, mais dans la main.


V


Mais Marseille est hospitalière comme sa mer, son port et son climat. Les belles natures ouvrent les cœurs. Là où sourit le ciel, l’homme est tenté de sourire aussi. À peine étais-je installé dans ce faubourg, que les hommes lettrés, les hommes politiques, les négociants à grandes vues, les jeunes gens qui avaient un écho de mes anciennes poésies dans l’oreille, les ouvriers même, dont un grand nombre lit, écrit, étudie, chante, versifie et travaille à la fois des mains, affluèrent dans ma retraite, mais avec cette réserve délicate qui est la pudeur et la grâce de l’hospitalité. J’avais les plaisirs sans les gênes de cet empressement et de cet accueil ; mes matinées à l’étude, mes journées à la solitude et à la mer, mes soirées à un petit nombre d’amis inconnus, venus de la ville pour s’entretenir de voyages, de littérature ou de commerce.