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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/152

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« — C’est pourtant vrai, Monsieur ; vous devez me trouver bien simple. Eh bien, je n’ai rien à vous dire, et je ne voudrais pas pour un trésor que l’on sût à Aix que je suis venue ici !

« — Mais enfin, quelque chose vous a poussée à venir ; vous n’êtes pas comme ces vagues que vous voyez, qui vont et viennent sans savoir pourquoi. Vous avez une pensée ; vous paraissez spirituelle et vive ; voyons, cherchez bien, quelle a été votre idée en prenant une place dans la diligence d’Aix, et en vous faisant conduire à ma porte ici ?

« — Eh bien, Monsieur, dit-elle en passant ses deux mains sur ses joues comme pour en faire disparaître la rougeur et l’embarras, et en rejetant ses belles boucles de cheveux noirs, humides de sueur, derrière son cou, c’est vrai, j’avais une idée, une idée qui ne me laissait pas dormir depuis huit jours. Je me suis dit : « Reine ! il faut te contenter ! tu ne diras rien à personne, tu fermeras ta boutique le samedi soir de bonne heure, tu prendras la diligence de nuit, tu passeras le dimanche à Marseille, tu iras voir ce monsieur, tu repartiras pour Aix le dimanche soir, tu seras le lundi matin à ton ouvrage, et tout sera fini ; tu te seras contentée une fois dans ta vie, sans que les voisins ou voisines se doutent seulement que tu es sortie de la rue ou du Cours. »


X


« — Mais pourquoi teniez-vous tant à me voir, et comment saviez-vous seulement que j’étais ici ?

« — Oh ! Monsieur, répondit-elle, voilà : Il y a un monsieur à Aix qui est bien bon pour moi, parce que je suis