Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rationnelle, établissant en maximes courtes, sublimes, claires comme des rayons de soleil, les grands principes de la sagesse humaine et de la vertu perfectionnée de siècle en siècle dans l’intelligence et dans la conscience du genre humain ; une espèce de catéchisme de la pensée des hommes ?

« — Oui, dit-elle sans enthousiasme, cela ne ferait pas de mal. Mais les maximes… c’est un peu froid, monsieur, pour nous ; ce sont des morceaux de pensées qu’on tourne et qu’on retourne bien un moment dans ses mains pour les voir briller, mais ce ne sont pas des personnes. Nous autres, nous ne nous attachons qu’aux personnes, parce qu’on peut les aimer ou les haïr ; mais des pensées… ça n’aime ni ça ne hait ; c’est mort ! Nous aimerions mieux autre chose.

« — Une belle histoire universelle, lui dis-je, bien claire, bien déduite, bien racontée, ramifiée comme les branches de ce platane devant vous, où les racines sortiraient de terre, le tronc des racines, les branches du tronc, les rameaux des branches, et qui vous ferait suivre de l’œil toutes les grandes familles de l’espèce humaine, depuis les temps primitifs jusqu’aujourd’hui, avec les progrès, les décadences, les morts et les renaissances des races d’hommes, des idées, des religions, des institutions, des arts, des métiers ? Cela vous irait-il ?

« — Pas à tous, monsieur ; ça ferait bien tout de même pour les jeunes gens un peu instruits et pour les vieillards curieux du temps passé ; mais la masse, les femmes, les filles, les enfants, ne liraient pas beaucoup ce livre. C’est trop loin de nous, cela ne nous regarde pas, cela passe devant l’œil comme un torrent qui éblouit et qui noie notre esprit ; nous aimerions mieux une pleine main d’eau puisée dans une petite source à notre portée. Ce qui est