Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/225

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bas sur son état, un de ces livres ouvert séchait ses larmes et lui rendait son sourire. Cela me faisait faire mes prières avec bien plus de componction et bien plus de plaisir au pied de son lit. Je m’imaginais toujours que Dieu était là, qu’il nous entendait, et qu’en relevant mon front appuyé sur ses couvertures, j’allais voir ma mère, soulagée et guérie, me demander sa robe et marcher comme moi à travers la maison. Mais la volonté de Dieu n’était pas ma volonté d’enfant. Ma mère continuait à languir et je grandissais.

« Elle priait pourtant avec une ferveur qui aurait fait envie aux anges. Elle jouissait surtout quand elle me voyait prier du bout des lèvres avec elle. Quelquefois elle me disait : « Geneviève, Dieu aime les enfants parce qu’ils n’ont pas encore péché. Je ne puis aller à l’église ; je suis sûre que, si je pouvais y aller, je le toucherais et reviendrais guérie : vas-y pour moi ; demain, tu te lèveras de grand matin, tu iras entendre à ma place la première messe que le vieux prêtre dit avant le jour, pour les pauvres gens qui n’ont qu’une demi-heure à perdre au pied des autels, celle qu’on appelle la messe des servantes ; tu réciteras mon chapelet que voilà, comme si c’était moi. Le bon Dieu prendra peut-être la présence et la prière de l’enfant pour la présence et la prière de la mère. Va, mon enfant. »

« Et j’allais, monsieur, je me levais sans faire de bruit ; je prenais mes sabots à la main pour qu’on ne m’entendît pas jusqu’au bas des escaliers ; j’entrais dans l’église, où il faisait encore nuit. Les servantes et les vieilles dames se disaient tout bas : « Voyez donc, que cette petite est sage. — C’est la fille de la vitrière malade, disaient les autres ; elle vient pour sa mère : pauvre enfant ! Elle apprend de bonne heure la misère ; elle a bien besoin de la grâce de Dieu. » Moi, je ne m’arrêtais pas pour les écouter ; j’allais