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main et en l’approchant de son cœur, que je vais mourir dans la journée ! Ne crie pas, ne pleure pas, mon enfant, tu les réveillerais ; ferme mes rideaux, et dis-leur, quand ils se lèveront, que je vais dormir ! »

« Je descendis dans la cour pour sangloter contre le mur sans qu’on m’entendît. Je fis ensuite comme elle avait dit. J’emmenai Josette chez une voisine qui lui enseignait à faire la dentelle sur un coussinet de soie verte ; je dis à mon père que ses pratiques de là-haut l’avaient fait demander, parce que la dernière grêle devait avoir cassé bien des croisées ; il prit son étui de vitres derrière son dos, et il s’achemina vers les montagnes. Le vicaire vint, il confessa et communia ma mère ; elle n’eut point d’agonie, sa vie en était une depuis si longtemps ! elle s’éteignit tranquillement, seule avec moi dans la chambre, en me recommandant encore Josette. « J’aurais bien voulu la voir, me dit-elle, mais tu l’embrasseras pour moi. » Puis, je lui mis le crucifix sur les lèvres ; en l’embrassant, elle m’embrassa les doigts. Quand je ne sentis plus de souffle sur ma main, je tombai à terre au pied du lit : elle était morte ! Je veillai et je l’ensevelis seule aussi dans la maison.


XVI


« Les voisins retinrent Josette et mon père jusqu’après l’enterrement. Je remis tout en ordre dans la maison, comme nous faisons à présent. Puis ils rentrèrent. Ah ! que ce fut triste de voir toujours là ce lit de serge verte, avec ces rideaux fermés, et de ne plus entendre sortir cette douce voix qui disait à tout moment : « Geneviève ! » Je ne l’aurais pas dit à d’autres, monsieur ; mais je vous