Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/249

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en regardant sur mon visage si j’étais fâchée. Je ne dis rien et je n’eus pas l’air en colère ; ça l’encouragea : « Vous n’êtes donc pas fâchée contre moi, qu’il me dit, Geneviève ? Je lui répondis seulement : « Non, » d’une voix très-douce, et je ne retirai pas ma main. Alors nous restâmes comme cela tous les deux longtemps, longtemps, sans rien nous dire ; mais mon cœur battait si fort, et le sien aussi, contre le comptoir, qu’on les entendait comme des balanciers d’horloge.

« — Geneviève, dit-il enfin, mon père vous a donc parlé ?

« — Oui, que je lui répondis ; et rien de plus.

« — Eh bien, alors, il faut nous fiancer le mois qui vient.

« — Le mois qui vient, dis-je.

« — Vraiment ? qu’il me dit, en se levant et en retirant sa main pour la battre de joie contre l’autre.

« — Vraiment ! répliquai-je avec gravité, comme si j’avais fait un serment.

« — Eh bien, alors, allons nous promener dans les prés, me dit-il, car je ne peux pas me tenir en place. Les plantes des pieds me font mal du désir de sortir avec vous, Geneviève, et de dire à tous mes pays que nous rencontrerons et qui se demanderont : « Avec qui donc est Cyprien ? — C’est ma promise. »

« Et nous sortîmes.

« Nous nous promenâmes tout le soir, bien loin, bien loin, dans les prés, sur le bord de la rivière. La petite était avec nous, qui n’y comprenait rien et qui jouait devant ou derrière avec les papillons sur l’herbe et les petits poissons sous l’eau. Nous ne disions guère plus qu’à la maison ; mais nous nous tenions les mains tout le temps, par le bout des doigts, comme des enfants qui vont à l’école. Ça lui faisait plaisir et à moi aussi, et nous soupirions si fort, si fort, que la petite me disait par moments tout bas : « Tu as